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Ressources à destination des journalistes

12 indications pour les professionnels des médias

Relater un fait suicidaire ou rédiger un article sur ce sujet requiert quelques précautions simples pour un traitement médiatique sûr. Le programme Papageno s’appuie sur les indications éditées par l’Organisation mondiale de la santé :

INDIQUER OÙ TROUVER DE L’AIDE

Des informations sur les différents dispositifs d’aide devraient figurer à la fin de chaque article traitant du suicide ; de préférence une ligne disponible 24h/24, 7 j/7. En France, le 3114 est le numéro national de prévention du suicide. 

Citer un dispositif d’aide ouvre la voie à un soutien immédiat aux personnes en détresse ou qui envisageraient de se suicider.

QUE FAIRE ?

  • Nous vous recommandons la mention suivante : Si vous êtes inquiet pour un proche ou si vous avez des idées suicidaires, vous pouvez appeler le 3114. Gratuit, ce service propose une écoute professionnelle et confidentielle, 24h/24 et 7j/7, par des infirmiers et psychologues spécifiquement formés.

SENSIBILISER LE PUBLIC SANS DIFFUSER DE MYTHES

Il existe de nombreuses idées reçues au sujet du suicide. La recherche a montré que les articles véhiculant ce genre de mythes sont plus à risque de déclencher des comportements d’imitation. Au contraire, le public tendrait à se défaire des mythes lorsque ceux-ci sont explicitement mis à l’épreuve des faits dans les médias. Par conséquent, il est préférable de soigneusement rechercher et transmettre des informations factuelles sur le suicide.

QUE FAIRE ? QUOI ÉVITER ?

  • Ne craignez pas de parler du suicide. Plus le tabou persiste, plus le mythe s’enracine.
  • Ne sautez pas aux conclusions. Les raisons pour lesquelles les personnes se suicident sont généralement complexes.
  • Profitez de traiter du suicide pour informer les lecteurs sur ses causes, ses signes avant-coureurs, l’évolution des données épidémiologiques et les avancées thérapeutiques récentes. 
  • Évitez de présenter le suicide comme la conséquence d’un unique événement causal, comme une perte d’emploi récente, un divorce ou du harcèlement. Traiter le suicide de la sorte serait simpliste et trompeur pour le grand public.
  • Évitez de donner au suicide une dimension romantique.

RAPPORTEZ DES TÉMOIGNAGES SUR LA FAÇON DE GÉRER LES PENSÉES SUICIDAIRES

La couverture médiatique et l’attention du public se concentrent généralement sur les personnes décédées par suicide, plutôt que sur celles qui ont survécu, perdant ainsi une occasion importante de véritablement comprendre la question complexe du suicide du point de vue de la personne. Fournir des témoignages de personnes qui, dans l’adversité, sont parvenues à faire face aux idées suicidaires peut aider d’autres personnes à adopter une stratégie positive similaire. Des articles détaillant comment obtenir de l’aide face à des difficultés en apparence insurmontables sont également encouragés. Ces témoignages permettent de mettre en exergue les voies possibles pour surmonter des idées suicidaires. Ils requièrent cependant des précautions éthiques sur lesquelles nous pouvons vous conseiller.

QUE FAIRE ? QUOI ÉVITER ?

  • Consultez les témoignages sur notre site.
  • Écoutez « Les Maux Bleus« , un podcast sur la santé mentale et les troubles psychiques et notamment la mini-série « Les funambules » sur la crise suicidaire.
  • Les détails sur le geste suicidaire, s’il a eu lieu, sont à éviter.
  • Mettez en avant ce qui a été utile pour se sortir de la crise ou pour aider un proche ainsi que les signes de mal-être à repérer.

FAITES PREUVE D’UNE ATTENTION PARTICULIÈRE LORSQUE LE SUICIDE CONCERNE UNE CÉLÉBRITÉ

Les suicides de célébrités, sujet médiatique de choix, sont souvent considérés comme étant d’intérêt public. Or, ces mêmes suicides sont d’autant plus à même d’influencer le comportement d’imitation des personnes vulnérables. Valoriser le décès d’une personne célèbre pourrait laisser suggérer que la société valorise de tels comportements suicidaires. Pour toutes ces raisons, traiter du suicide d’une célébrité devrait se faire avec une prudence toute particulière : sans valorisation indue, ni description détaillée de la méthode employée, ou raisons simplistes mais en mettant davantage l’accent sur la vie de la personne célèbre, son action publique et les conséquences que son geste peut avoir sur son entourage. En outre, lorsque la cause du décès n’est pas connue, toute spéculation imprudente autour d’un suicide potentiel peut s’avérer néfaste. Il semble donc préférable de ne se prononcer que lorsque la cause du décès est attestée et les circonstances connues. Comme indiqué ci-dessus, les reportages doivent toujours inclure des informations sur l’accès aux ressources d’aide pour les personnes vulnérables et/ou qui pourraient être fragilisées en raison du décès.

QUE FAIRE ? QUOI ÉVITER ?

  • Parlez de la souffrance qu’ils ont vécue.
  • S’agissant des causes du décès, évitez de citer ou d’interviewer la police ou les premiers intervenants sur les lieux des faits.
  • Demandez conseil à des experts de la prévention du suicide.

SOYEZ PRUDENT LORSQUE VOUS INTERVIEWEZ UNE FAMILLE OU DES AMIS ENDEUILLÉS

Interviewer une personne endeuillée par un suicide constitue un témoignage pertinent sur la réalité de la perte ressentie. Cependant, cela requiert des précautions de la part du journaliste. Notamment parce que ces personnes (famille, amis ou autres) vivent une perte douloureuse et peuvent être en situation de crise. La décision d’interviewer une personne endeuillée par un suicide ne doit donc pas être prise à la légère. Ces personnes sont elles-mêmes plus à risque de se suicider car le travail de deuil les rend particulièrement vulnérables. Leur vie privée devrait être respectée à tout moment.

Dans le cadre de ses investigations auprès des proches, le journaliste pourrait être dépositaire d’informations sur le défunt dont les endeuillés n’auraient pas connaissance. La publication de telles informations pourrait être préjudiciable à ces personnes. Les journalistes doivent également examiner avec soin l’exactitude des informations reçues de la part des endeuillés dans la mesure où leur objectivité peut être altérée par la douleur.

Lorsque la perte du proche n’est pas toute récente, les personnes endeuillées peuvent témoigner sur la façon dont elles ont fait face à de telles circonstances. Cependant, parler de cette expérience peut raviver des souvenirs et des émotions douloureuses. Les personnes endeuillées qui souhaitent témoigner auprès d’un journaliste pourraient ne pas être totalement conscientes des conséquences potentielles de la diffusion publique d’informations privées. Par conséquent, un temps d’échange au préalable est souhaitable de même que des mesures afin de protéger leur intimité. Dans la mesure du possible, une relecture de l’article ainsi qu’une prise en compte des corrections avant publication est à privilégier.

QUE FAIRE ? QUOI ÉVITER ?

  • Parlez de la souffrance qu’ils ont vécue.
  • Abstenez-vous d’insérer des images de la famille en deuil, des amis en deuil ou des funérailles.

RECONNAISSEZ L’IMPACT QUE CE SUJET PEUT AVOIR SUR VOUS

Le fait de travailler sur le suicide d’une personne peut aussi entrer en résonance avec des expériences qui vous sont propres. Il est donc impératif que les rédactions mettent en place les aides nécessaires, notamment pour les plus jeunes journalistes et les faits-diversiers. De telles aides peuvent inclure des possibilités de débriefing, des systèmes de tutorat… Les professionnels des médias ne devraient pas hésiter à chercher de l’aide au sein même ou en dehors de leur organisation s’ils se sentent fragilisés par la question du suicide.

ÉVITEZ LA MISE EN ÉVIDENCE ET LA RÉPÉTITION EXCESSIVE DES ARTICLES TRAITANT DU SUICIDE

La mise en évidence et la répétition excessive d’articles traitant du suicide induisent davantage de comportements d’imitation qu’un traitement médiatique plus discret. Dans l’idéal, ces articles devraient se trouver dans les pages intérieures, et figurer en bas de page, plutôt qu’en Une ou sur la partie haute d’une page intérieure. À la télévision tout comme à la radio, l’information sur un suicide ne devrait pas faire la Une de l’actualité mais apparaître plutôt en deuxième ou troisième sujet.

La pertinence de répéter ou de réactualiser une histoire originale devrait également être évaluée avec circonspection.

QUE FAIRE ? QUOI ÉVITER ?

  • Demandez-vous s’il est d’intérêt public de rapporter cette mort.
  • Et mettez en balance cet intérêt public avec le risque que constitue la répétition excessive de sa couverture.

LE RISQUE DE SENSATIONNALISER, DE NORMALISER LE SUICIDE, OU DE LE PRÉSENTER COMME UNE SOLUTION

Probablement plus que quiconque, les professionnels des médias connaissent l’importance des nuances du langage. Un discours qui laisserait entendre que le suicide est un problème majeur de santé publique, qui identifierait les facteurs de risque tout en associant un message préventif soutiendrait un effort d’information auprès de la population générale.

Choquer ou émouvoir n’a pas pour effet de sensibiliser. Au contraire, un langage qui décrirait le suicide en des termes sensationnalistes, le normaliserait ou en simplifierait les circonstances en les réduisant à l’élément déclencheur, serait à proscrire.

Toute variation statistique des chiffres sur le suicide doit être vérifiée avec soin car elle peut être le résultat de fluctuations temporaires sans effet durable dans le temps.

Le recours impropre au mot suicide (ex. « suicide politique », « suicide assisté ») est susceptible de désensibiliser les lecteurs à la gravité réelle du problème. 

QUE FAIRE ? QUOI ÉVITER ?

  • Utilisez des mots simples. Dites que la personne « s’est suicidée », ou « a mis fin à ses jours ».
  • Préférez des mots plus sobres tels que « hausse » ou « supérieur » à des termes tels qu’ « épidémie », « flambée » ou toute autre expression emphatique pour décrire la survenue récente de plusieurs cas de suicide.
  • L’expression « commettre un suicide » accole une dimension criminelle au geste, dimension qui ajoute à la stigmatisation des proches du défunt et qui est susceptible de contribuer à décourager les personnes suicidaires à chercher de l’aide. On pourra lui substituer des expressions telles que « suicide abouti », « mort par suicide » ou « a mis fin à ses jours ».
  • Des expressions telles que « suicide raté » et « suicide réussi », sous-entendant que la mort serait une issue souhaitable, devraient être proscrites. Au contraire, une formulation telle que tentative de suicide « non aboutie » ou « non fatale » est plus précise et moins encline à une interprétation erronée.
  • Évitez d’utiliser ou de répéter des expressions péjoratives telles que « le suicide est une solution de lâcheté » qui renforcent les clichés et la stigmatisation.

NE DÉCRIVEZ PAS EXPLICITEMENT LA MÉTHODE UTILISÉE

Il y a lieu d’éviter la description détaillée de la méthode par laquelle une personne s’est suicidée ou a tenté de se suicider. En effet, la mention des détails pourrait faciliter le recours à la même méthode par des personnes en crise. À titre d’exemple, au moment de traiter d’une intoxication médicamenteuse, il serait imprudent de détailler le nom ou la quantité des substances ingérées, ou encore la façon dont la personne se les est procurées. Les suicides par des moyens peu communs appellent à une prudence particulière. Les relayer peut certes présenter un intérêt médiatique particulier, mais expose également au risque d’imitation. Ces méthodes peu communes risquent de plus de faire l’objet d’un traitement médiatique sensationnaliste et leur diffusion pourrait être accélérée par les réseaux sociaux.

QUE FAIRE ? QUOI ÉVITER ?

  • Évitez d’inclure des photos ou des vidéos de la scène du suicide ou de la méthode employée.
  • Lorsque, pour des raisons journalistiques, il est impossible de ne pas citer une méthode, pensez à hiérarchiser votre information afin de ne pas la mettre en exergue (notamment dans le titre).

NE FOURNISSEZ PAS DE DÉTAILS QUANT AU LIEU DU SUICIDE

Il arrive qu’un lieu donné se forge la réputation d’être particulièrement propice au suicide. Il en est ainsi de certains ponts, grands immeubles, falaises, gares ou passages à niveau et on parle alors de hot-spot suicidaire. Les professionnels des médias devraient mettre un soin particulier à ne pas promouvoir de tels lieux. Pour ce faire, ils pourront éviter, par exemple, de les décrire de façon sensationnaliste ou de mettre en exergue le nombre d’incidents qui y ont lieu. Une prudence est particulièrement requise lorsqu’un suicide ou une tentative de suicide se déroule au sein d’un établissement d’enseignement ou d’une institution spécifique telle que prisons ou unités psychiatriques qui accueillent des personnes particulièrement vulnérables.

QUE FAIRE ? QUOI ÉVITER ?

  • Plutôt que d’écrire « Il a sauté depuis le dernier étage de l’immeuble situé rue xxx à l’angle de l’avenue xxx », préférez « La personne a mis fin à ses jours depuis un bâtiment local ».

N’EMPLOYEZ PAS DE GROS TITRES SENSATIONNALISTES

Les gros titres ont pour vocation d’attirer l’attention des lecteurs en synthétisant l’essentiel de l’information. L’utilisation du mot « suicide » devrait y être évitée, de même que toute référence explicite au lieu ou à la méthode du suicide. Lorsque les titres peuvent faire l’objet d’une réécriture, une collaboration entre l’auteur de l’article et le rédacteur en chef est souhaitable afin de s’assurer qu’un titre approprié soit publié.

QUE FAIRE ? QUOI ÉVITER ?

  • Évitez de rédiger la Une et/ou les gros titres de façon sensationnaliste.
  • Informer les lecteurs sans mettre le suicide en évidence (par exemple : « Kurt Cobain meurt à 27 ans »).

N’UTILISEZ PAS DE PHOTOGRAPHIES, DE SÉQUENCES VIDÉO OU DE LIENS VERS DES MÉDIAS SOCIAUX

Mieux vaut ne pas utiliser de photographies, de séquences vidéo ou de liens vers des médias sociaux d’un cas de suicide, particulièrement s’il s’agit d’en faire clairement apparaître le lieu ou la méthode. De plus, il ne devrait pas être fait usage de photographies de la victime. En tout état de cause, le recours à des photographies devrait être subordonné à l’autorisation explicite de la famille. S’il est décidé d’en faire usage, ces images ne devraient pas être mises en évidence, ni servir de support à une valorisation inconsidérée de l’individu. Les études montrent que les supports visuels d’actes suicidaires réactivent le comportement suicidaire de personnes vulnérables et peuvent ensuite déclencher un geste par imitation lors d’une crise personnelle. Une coordination étroite du travail éditorial sur le texte et les visuels est donc recommandée. Par ailleurs, les messages d’adieu laissés par la victime (lettre, message sur les réseaux sociaux ou courriels) ne devraient pas être publiés.

QUE FAIRE ? QUOI ÉVITER ?

  • Utiliser des photos de famille, de l’école du défunt ou de son travail.
  • Au lieu de “Jean Dupont a laissé une lettre d’adieu dans laquelle il dit que…”, préférez « Une lettre du défunt a été trouvée ; elle est en cours d’examen. »

Les profils concernés